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Théâtre : “Quelque chose”, sur la douloureuse question de l’inceste

Publié le : 10 décembre 2018

La pièce de théâtre “Quelque Chose”, écrite par Capucine Mail­lard, mise en scène par Andréa Bescond et adap­tée à La Réu­nion par Dominique Car­rère, a été présen­tée au pub­lic ven­dre­di soir, à la Case Bébête à Cam­baie. Ce pro­jet porté par l’u­nité de psy­cho-Trau­ma Noé de l’EPSMR de Cam­baie, par l’as­so­ci­a­tion La Cerise sur le cha­peau et par la Com­pag­nie Azi­adé prend enfin sa voie pour libér­er les voix… La prochaine représen­ta­tion a lieu lun­di 10 décem­bre, au théâtre Vladimir Can­ter de l’U­ni­ver­sité de la Réu­nion à Saint-Denis.

L’inceste ” fléau dans l’ombre “, beau­coup plus répan­du que ce que l’on croit, est un sujet déli­cat et grave qu’aborde avec justesse, légèreté et sen­si­bil­ité, Capucine Mail­lard dans cette pièce. Conçue à par­tir de témoignages réels, la pièce “Quelque chose” s’empare de la puis­sance et de la vérac­ité d’un matéri­au pudique et met en lumière la souf­france de l’être humain, mais aus­si et surtout sa résilience, cette capac­ité à recon­stru­ire l’irréparable.

Utiliser l’art pour lutter contre les méfaits de l’inceste

Présen­ter la pièce de théâtre “Quelque chose” au pub­lic réu­nion­nais était alors une évi­dence. La cul­ture et la san­té, main dans la main con­tribuent à une société qui pro­tège ses enfants. Le doc­teur Vis­nel­da Douzain, psy­chi­a­tre à l’EPSMR, respon­s­able de l’U­nité de psy­cho trau­ma et du Cen­tre de ressource Noé, en était per­suadée : ” J’ai décou­vert cette pièce choisie pour les 30 ans de l’as­so­ci­a­tion France Vic­time. Je trou­vais cela très intéres­sant d’utiliser l’art pour lut­ter con­tre les méfaits de l’inceste si grave à La Réu­nion.  J’ai con­tac­té l’autrice de la pièce, qui m’a mise en con­tact avec Emi­lie Mag­nant de l’association cul­turelle La Cerise sur le cha­peau et ce pro­jet un peu fou de met­tre l’art au ser­vice de ce sujet de san­té publique est né.

L’au­teure, Capucine Mail­lard com­plète : “Nos objec­tifs sont pluriels, per­me­t­tre par la pièce de favoris­er une prise de con­science générale, tra­vailler avec 1000 col­légiens et lycéens qui ver­ront la pièce et expéri­menteront ensuite grâce aux ate­liers théâtre forum le droit à une parole libérée. Ce qui per­me­t­tra d’accompagner le plus tôt pos­si­ble les ado­les­cents qui souf­frent des con­séquences de ces vio­lences “. Voilà la genèse de cette pièce.

Un contexte particulier

Le pro­jet, comme pour beau­coup d’autres, a dû s’adapter au con­texte socié­tal actuel, dates annulées (en cours de report), rési­dence de créa­tion à La Cité des Arts écourtée, trans­posée… Les équipes artis­tiques, tech­niques, admin­is­tra­tives, sco­laires, sociales et médi­cales ont con­tin­ué leur tra­vail chaque jour pour que ce pro­jet naisse aujourd’hui ou demain quoi qu’il advi­enne. Et “Enfin, nous jouons ce soir”, racon­te unanime­ment, Fany Turpin, Joce­lyne Lavieille, Agnès Berthille, Isabelle Del­leaux et Olivi­er Hoa­rau,  les comé­di­ennes et comé­di­ens de la pièce.” Nous avions hâte de pou­voir présen­ter ce texte au pub­lic, de voir la réac­tion du public…”

La moti­va­tion était intense pour que cette représen­ta­tion puisse avoir lieu. ” Les pre­mières dates ont été annulées, c’é­tait vrai­ment dif­fi­cile après des mois de tra­vail acharné. Alors lorsque nous avons appris que Lespas ne pou­vait pas main­tenir la date pour ce ven­dre­di 30 novem­bre, cela nous a sem­blé une évi­dence de tout ten­ter pour jouer la pièce : nous avons décou­vert La Case Bébête et toute l’équipe a tra­vail­lé  pour que tout soit prêt ” pré­cise Capucine Maillard.

Cette pièce est des­tinée à être jouée dans les salles de spec­ta­cle de l’île. Tous les pro­fes­sion­nels ont don­né le meilleur d’eux-mêmes pour s’adapter aux con­di­tions et offrir une belle représentation.

Et le pub­lic était bel et bien au ren­dez-vous. En quelques heures, l’in­for­ma­tion est passée sur les réseaux soci­aux et cet espace cul­turel alter­natif affichait com­plet au moment de l’en­trée des comé­di­ens sur scène.

Se laisser porter par cette rencontre

Puis, il ne restait plus qu’à se laiss­er porter par cette aven­ture extra­or­di­naire, cette ren­con­tre avec des femmes qui ont subi l’inceste.

Dix ou vingt ans après, elles racon­tent leur vie, leur quo­ti­di­en, leurs blessures… Elles se racon­tent, elles se met­tent à nu le temps d’une nuit impro­visée. La fête de la musique bat son plein à Saint-Denis. Qua­tre femmes se retrou­vent pour rire et danser, elles se sont ren­con­trées dans un groupe de parole. Ce qu’elles ont en com­mun ? Le trau­ma­tisme qu’elles ont subi, évo­qué sub­tile­ment. L’échange, le dia­logue va per­me­t­tre une prise de con­science sal­va­trice de leurs droits et une restau­ra­tion de leur dignité.
Le pub­lic ne s’y trompe pas et c’est une stand­ing ova­tion qui éclate.

Bien abordé avec de l’humour, en gardant la gravité

Les remer­ciements sont nom­breux pour un tel pro­jet. Pour les comé­di­ens, l’é­mo­tion est intense et l’on ressent forte­ment ce lien puis­sant qui unit toute l’équipe. Vient ensuite les pris­es de paroles du pub­lic qui sont tout aus­si nom­breuses et prin­ci­pale­ment, c’est pour dire “mer­ci” que les spec­ta­teurs interviennent.

Mer­ci d’oser met­tre dans la lumière ce sujet tabou, mer­ci pour la sincérité, mer­ci pour ce texte intense, mer­ci d’avoir déplacé des mon­tagnes pour que ce moment existe.
Quelques heures après la représen­ta­tion, une spec­ta­trice a posté un com­men­taire sur Face­book : ” Une mag­nifique pièce qui vous prend aux tripes dès les pre­mières min­utes. Un sujet superbe­ment bien abor­dé avec de l’hu­mour et tout en gar­dant la grav­ité. J’ai été le voir hier soir et j’ai été scotchée. Trans­portée dans un autre univers. Courrez‑y ! C’est nécessaire !!!”.

Alors, pari gag­né pour toute l’équipe qui con­tin­ue la route. Les prochaines dates doivent avoir lieu et surtout, des dates de repro­gram­ma­tion sont en cours d’organisation.

Entrée gra­tu­ite sur réser­va­tion (monticket.re)

Théâtre Vladimir Can­ter — Uni­ver­sité de la Réu­nion. Saint-Denis.